Après avoir passé quelques jours à Chengdu, je mets le cap vers l’ouest du Sichuan.
Cette région, anciennement appelée Kham est majoritairement peuplée de Tibétains. Jadis en effet le Kham était l’une des trois provinces du Tibet, les deux autres étant l’Amdo et l’U-Tsang.
Tout le monde m’a dit que si je voulais avoir un vrai aperçu du Tibet, c’était dans cette région qu’il fallait que j’aille. En effet le Tibet lui même, et notamment Lhassa a été entièrement colonisé par les chinois depuis l’invasion par ces derniers en 1951 du Tibet. Depuis les chinois s’emploient méthodiquement à détruire la culture tibétaine et à persécuter les habitants du pays des neiges dans un sentiment de totale impunité et un laisser faire de la part de la communauté internationale.
Mon idée première était d’aller directement visiter le Tibet, mais j’ai vite déchanté. En effet pour visiter cette région les conditions sont très strictes et contraignantes: nécessité d’y aller avec un guide via une agence de voyage, avec un groupe d’au moins 4 personnes de la même nationalité, prix du permis exorbitant… De plus je n’avais pas du tout envie que mon argent pour la visite du Tibet tombe directement dans les caisses de l’état chinois plutôt qu’entre les mains des Tibétains. Et puis suivre un guide chinois comme un petit toutou, c’est pas vraiment mon truc!
Donc c’est parti pour une dizaine de jours d’aventures dans cette région reculée de la Chine, aux portes du Tibet.
Le petit problème c’est que le mois de décembre n’est pas la meilleure période pour visiter le Kham…
En effet en me renseignant avant de partir j’ai vu des chiffres sur internet qui m’ont fait un peu peur, en nain de jardin tout frileux que je suis! -15, -20 degrés… Quoiiiiii non mais je pars au pôle nord ou quoi?? Résultat des courses il a fait vraiment très froid, mais j’ai survécu.
Le truc c’est que pour se déplacer dans cette zone il n’y a que des bus, les trajets entre les étapes prennent en moyenne une bonne dizaine d’heures, et que donc les bus partent très tôt le matin,vers 6h du mat… Bien avant le lever du soleil, quand il fait biennnnnnn froid. Avec 6 épaisseurs en haut, 3 en bas, bonnet écharpe et compagnie, j’avais quand même froid!
Mais en même temps partir au mois de décembre a un gros avantage, et non des moindres: je n’ai pratiquement pas croisé de touristes chinois! Et oui, pas de horde de chinois qui suivent à la queue leueleue leur guide hurlant dans le mégaphone! Il fait trop froid pour ces derniers, c’est parfait!
Première étape de mon périple: la ville de Kangding, à une dizaine d’heures de bus de Chengdu. A la sortie du bus le vent glace me fouette le visage, il neige et il fait déjà nuit. J’ai repéré une auberge sur les hauteurs de la ville et je demande mon chemin aux passants qui m’aident volontiers.
Le marché est entrain de fermer, les marchands plient leur étalage pour la nuit. L’odeur de la viande et du sang me prend au nez lorsque je traverse la zone « boucherie » du marché. Sur les étalages sont posés d’énormes morceaux de viande d’où s’échappe la queue du yak…
Pour arriver à l’auberge je dois gravir une colline et le chemin prend des allures d’ascension himalayenne car ici l’altitude est bien plus élevée qu’à Chengdu et mon corps n’est pas bien habitué pour l’instant. A l’auberge le dortoir est vide, et mon lit est très vite chaud car dans le Sichuan ils ont la meilleure invention de la planète, à savoir une couverture chauffante électrique qui chauffe le lit en quelques minutes! C’est plutôt pas mal quand il fait dans les 5 degrés dans la chambre. Par contre dur dur de quitter le lit au petit matin!
Je ne vais rester à Kangding qu’une seule journée. J’ai visité quelques monastères très sympas, mais ici c’est encore bien chinois, même si on sent tout de même une atmosphère tibétaine.
Le lendemain je mets le cap sur la deuxième étape, Ganzi, à une dizaine d’heures de bus.
Située à 3300 m d’altitude la petite ville est beaucoup plus tibétaine que Kangding. Depuis le monastère du vieux village tibétain la vue est magnifique: à perte de vue des cultures en terrasses tapissent les collines et d’immenses montagnes enneigées crèvent le ciel. Les drapeaux de prières claquent au vent tandis que des tibétains font le tour des chorten en chantant et en faisant tourner leur mini moulin à prière.
Tout est tellement si calme, si paisible… tellement loin de l’ambiance que j’ai pu rencontrer lors du reste de mon périple en chine!
Dans les ruelles du vieux village les moines en toge rouge se fraient un chemin entre les yaks et les chèvres qui vagabondent nonchalamment, à la recherche de nourriture dans les poubelles. Une très vielle femme assise près de sa fenêtre me salue avec enthousiasme, en me criant « Tashi Delek » (bonjour en Tibétain)!
Les moines sont eux aussi très gentils et m’invitent à entrer dans la salle principale du monastère et à prendre en photo une relique inestimable: l’emprunte des mains du Dalai Lama, le chef spirituel des Tibétain poussé à l’exil par les chinois en 1959 et qui trouva refuge à Dharamsala, dans le nord de l’inde. Ce dernier est venu à Ganzi il y a quelques années, et en me promenant les tibétains que je croisais me parlaient tous de la visite du Dalai Lama et des endroits où il est allé lorsqu’il était dans leur village. Ils sont tous extrêmement fiers de cette visite, et on peut les comprendre!
Le lendemain je mets le cap sur une étape que j’attends avec impatience, depuis très longtemps: Larung Gar. Il s’agit d’un village monastique perché à flanc de colline, où vivent pas loin de 40 000 (!) moines et nonnes, à 4000m d’altitude. Ce village fait figure de véritable école du bouddhisme car c’est le siège de la plus grande université bouddhiste au monde où sont enseignées les différentes traditions du bouddhisme tibétain. Des milliers de disciples de la planète convergent vers cet endroit sacré pour y suivre l’enseignement religieux.
Quand le minibus arrive au village, je n’arrive pas à y croire mes yeux. Je ne pouvais pas croire que quelque chose d’aussi énorme pouvait exister sur le plateau tibétain. Des milliers de petites maisons rouges où habitent les nonnes et les moines tapissent la vallée mais aussi les immenses collines où flottent les drapeaux tibétains.
De nombreux monastères, chorten et moulins à prières géants parsèment le village monastique. Les ruelles qui serpentent sur les collines sont minuscules et les nonnes et les moines se faufilent tant bien que mal, se dépêchant d’aller à leur cours ou bien ramenant de l’eau depuis la fontaine.
Il y a aussi de nombreux pèlerins, et la ferveur religieuse qui s’émane du site est fascinante.
Les chemins de moulins à prières sont envahis par les fidèles qui chantent des mantras pendant qu’ils font tourner les moulins. Autour de ces derniers des familles ont accroché la photo d’un proche disparu, pour qu’il soit béni par les lieux. Beaucoup de tibétains se prosternent pendant des heures devant un immense bouddha, sur leur planche à prières…
C’est aussi dans ce village où je vais assister au Sky Burial, cet enterrement céleste tellement différent de nos pratiques occidentales…
Larung Gar est un endroit vraiment magique, hors du temps. Pour le rejoindre il faut prendre une route de terre cabossée pendant environ 7h, en minibus. La route passe par plusieurs cols et traverse des hameaux perdus, constitués de quelques dizaines de ces superbes maison tibétaines à toit plat, magnifiquement sculptées et peintes d’une multitude de couleurs.
Nous traversons des paysages à couper le souffle où des troupeaux de yaks paissent sereinement sous le regard protecteur de leur berger. Les yaks sont omni présents et parfois on les distingue sous la forme de petit points qui se déplacent lentement sur les collines lointaines, où l’ombre des nuages vient de temps en temps assombrir l’herbe cramoisie en cette saison.
D’ailleurs Larung Gar ne figure pas encore dans le Lonely Planet, et espérons que les guides touristiques ne le mentionne jamais, histoire que ce village garde le plus longtemps possible cette atmosphère authentique et presque irréelle…
Après deux superbes jours à Larung Gar je remets le cap sur Ganzi, puis je prends un mini van pour Litang, à une dizaine d’heures de route plus au sud. La route est magnifique, difficilement descriptible. Elle suit pendant longtemps une rivière qui passe par de minuscules villages tibétains où trône bien souvent un monastère plus ou moins grand. Des drapeaux de prières multicolores tapissent les collines, et je me demande comment les tibétains peuvent aller accrocher ces drapeaux sur une pente aussi abrupte. Sans doute que leur ferveur bouddhiste leur font pousser des ailes!
Parfois la vallée se transforme en canyon et la tranquille rivière se mue en un torrent vrombissant, et les roues de notre van ne sont souvent qu’à quelques cm du précipice…. Mieux vaut ne pas regarder et faire confiance au chauffeur, qui conduit à toute allure sur la route sinueuse tout en téléphonant avec son portable…
Litang ne fait pas exception à la beauté de ces paysages irréels et à la gentillesse et le formidable accueil des tibétains. Dans cette petite ville il y a la aussi bien sur un monastère où l’on croise de nombreux moines et fidèles.
Après une dizaine de jours dans l’ouest du Sichuan je remets le cap sur Chengdu.
Ce séjour m’a vraiment plu vous l’aurez compris. Les tibétains sont vraiment adorables, accueillants, souriants… Que du bonheur!
Video des pelerins et moulins a priere Ganzi.