Après avoir passé quelques jours à Rangoun je mets le cap sur le Rocher d’Or, en train.
Voyager en train en Birmanie est une expérience inoubliable. C’est faire un bond dans le passé, à travers des paysages extraordinaires, avec des Birmans qui sont tellement étonnés de vous voir avec eux dans la deuxième classe qu’ils vous adoptent instantanément. Des sourires en veux tu en voilà, des mains tendues pleines de nourriture en tout genre et de fruits…
Les trains en Birmanie ce n’est pas comme les TGV en France, ou comme le TER, vous vous en doutez bien. Il ne faut pas être pressé et s’armer de patience. Quoique c’est un peu aussi la même chose en France, avec les grèves, mais la gentillesse des gens en moins.
Le système n’est pas du tout informatisé. Donc quand on va acheter son billet, les employés (qui parlent tous un minimum anglais) apportent de gros cahiers poussiéreux qui semblent sortir d’un autre âge, notent notre nom et nous donne un ticket.
Ce qui frappe dans la station de train de Rangoun et les autres d’ailleurs ce sont toutes les pancartes où est marqué en gros « Kindly take care of tourists », ce qui veut dire en gros nous prenons soin de nos touristes. C’est la première fois que je vois de tels panneaux. Et ce n’est absolument pas de la publicité mensongère.
A peine suis je rentrée dans la gare qu’il y a déjà un employé qui vient et qui me demande où je veux aller, il m’accompagne au guichet, il m’explique tout. Et tout cela sans rien demander en échange, pas d’argent, rien de rien. Et c’est vraiment ça que j’ai rencontré dans le pays, tout le temps. Les birmans aident volontiers les touristes. Avant même d’ouvrir la bouche pour demander un renseignement, bien souvent j’avais un employé ou un civil qui accourait pour m’aider. Ça fait vraiment chaud au cœur!
Il faut dire que le pays sort tout juste de plusieurs décennies d’isolement total. Donc les Birmans sont plutôt contents de voir des étrangers visiter leur pays. Le problème c’est que maintenant le pays est devenu hyper touristique. Dans certains endroits comme Bagan ou le lac Inle, les hordes de touristes se succèdent à la queue leu leu.
Pour l’instant les Birmans ont encore une super mentalité par rapport au tourisme, mais j’ai bien peur que d’ici quelques années ces derniers ne perdent cette bonté et cette gentillesse et se transforment en usine à chercher du fric, comme dans certains endroits en Thaïlande ou le touriste n’est considéré que comme un portefeuille sur patte que les locaux regardent avec dédain (pas dans tous les endroits et pour tous les thaïlandais, ce n’est pas une généralité). Mais comment leur en vouloir, quand on voit les ravages que le tourisme peut faire dans un pays?
En Birmanie j’ai croise par exemple des touristes qui sortaient dans la rue avec des micro short et des des débardeurs moulants. Comment peut on se comporter comme cela alors qu’on voit bien que toutes les femmes birmanes ont une jupe longue et des tee shirt à manches longues?
Je ne sais pas comment peut on être autant irrespectueux envers les locaux qui sont très traditionnels et pudiques. C’est quelque chose qui m’échappe. C’est normal après que nous les touristes avons mauvaise réputation dans certains pays! Quand à moi je ne suis pas meilleure que les autres, je suis aussi une touriste de base mais jamais je ne me suis trimbalée en Birmanie en short! Oui c’est sur, on crève de chaud, mais c’est pas une excuse!
Bref espérons que ce pays demeure authentique et ses habitants adorables le plus longtemps possible, en dépit du mauvais comportement de certains touristes.
En Asie quand on donne de l’argent on tend le bras avec le billet et on vient placer l’autre bras sous le coude du premier, c’est un signe de politesse. J’avais déjà vu ça dans d’autres pays, mais uniquement entre locaux. On me le faisait très rarement, j’ai eu l’impression que les habitants ne s’embêtaient pas à faire ça avec un étranger, du moins dans les endroits touristiques. Mais ici en Birmanie tous les locaux tendent l’argent aux touristes de cette façon, et même dans les endroits bondés de touristes, c’est pour vous dire comme leur mentalité est encore « pure ».
Bref je prends le train pour 5-6 heures, et je fais un voyage dans le passé, car les trains datent sans doute de plusieurs décennies, et tout semble être sorti tout droit de l’ère coloniale britannique. Je ne cautionne pas du tout le colonialisme, au contraire.
Mais du coup on a vraiment l’impression d’être dans un film des années 50. Une atmosphère vraiment spéciale se dégage des gares en Birmanie, avec ce vieux mobilier, ces oiseaux qui volent dans les hangars, ces rayons de soleil filtrés à travers les carreaux des vitres cassées, ces murs qui semblent sur le point de s’écrouler tellement ils sont dévorés par les herbes qui ont envahi la gare, ces porteurs qui s’affairent à acheminer les lourdes valises des riches Birmans qui vont voyager en première classe, ces marchands ambulants qui vendent tout et n’importe quoi sur leur minuscule étalage…
Pour ma part je prend la direction de la seconde classe, la moins chère vous l’aurez compris. Mais attention, même en première classe le train est le moyen le plus économique de voyager en Birmanie, beaucoup moins cher que le bus.
Pour 5h de train j’en ai eu pour 3 euros en seconde classe, en première c’était peut être 4,5 euros. Donc bonne nouvelle pour les voyageurs fauchés, si vous prenez le train, vous ne vous ruinerez pas, au contraire du bus qui va coûter 9 ou 10 euros pour la même distance, mais en moins de temps quand même.
Donc une fois que le train se met en branle, le spectacle commence. Et quel spectacle!
Des dizaines et des dizaines de marchands ambulants parcourent les wagons avec leurs marchandises sur la tête. On trouve de tout, ou presque: des fruits, des légumes, des curry au poulet ou au bœuf déjà tout préparés enroulés dans une grande feuille de bananier ou de je ne sais quoi, toutes les boissons possibles et imaginables, des cacahuètes, des beignets, des samosas…. Les vendeurs se succèdent et ne se ressemblent pas!
A certains moments le voyage prend des allures vraiment comiques: à cause de l’irrégularité du sol ou de je ne sais pas quoi les wagons tremblent tellement que tout le monde fait des bonds sur son siège! Vraiment, c’est impressionnant, je décollais de plus de 5 cm à chaque fois, pendant de longues minutes.
En général à ce moment là tout le monde est mort de rire, les enfants comme les adultes. A croire qu’ils ne se lassent pas de cela!
En plus quand il y a un nain de jardin étranger qui vient de prendre un café qui se renverse forcement à cause des bonds du wagon et qui hurle comme une malade car elle sait pas quoi faire avec ce café bouillant qui se renverse à tout va, alors là c’est l’attraction du siècle!
Mais mes compagnons de voyage birmans en face de moi me prenaient le verre à chaque fois, quitte à s’ébouillanter eux plutôt que moi… Mais bon eux même avec les supers sauts du wagon il n’y a pas une seule goutte de café qui sort du verre, j’imagine qu’il y a une technique que je ne maîtrise manifestement pas!
A un moment j’ai eu faim donc j’ai acheté un curry tout préparé et emballé dans une grande feuille: riz, sauce hyper pimenté que je laisse de côté à chaque fois, légumes et cuisse de poulet. Je demande une cuillère, je me retrouve avec dix cuillères tendues par les birmans, trop contents de m’aider, même pour une toute petite cuillère. Même le contrôleur du train accourt avec une cuillère, car il a entendu que dans le train il y a une étrangère qui mange un curry et qui a besoin d’une cuillère… Les birmans eux sont habitués à voyager en train, et sont hyper organisés, ils ont tous les ustensiles et la nourriture nécessaires.
Dans mon wagon je suis la seule étrangère, les autres sont dans la première classe. Dans cette dernière les voyageurs sont assis sur des fauteuils en mou, dans la seconde il s’agit d’un banc en bois. C’est pas très confortable, c’est sur, surtout quand on est éjecté du banc et qu’on retombe lourdement dessus quand le train se met à trembler. Mais quelle aventure!
J’ai pris un train de nuit aussi, une douzaine d’heures pour aller jusqu’à Bagan, et la le wagon de deuxième classe avait un mini revêtement en mousse juste sur le banc, pas sur le dossier. Et puis je n’avais personne à côté de moi donc j’ai pu dormir en me pliant un peu.
Le train défile dans des paysages fantastiques de rizières, jungle, montagnes, collines… Et toujours, je dis bien toujours ces pagodes omni présentes, elles sont littéralement de partout. Parfois l’horizon n’est qu’une chaîne de pagodes successives plantées au sommet des collines qui défilent au fur et à mesure de l’avancée du train. On croise de nombreux paysans avec leur buffle d’eau, qui est indispensable pour le quotidien de leur famille, tant grâce au lait que la femelle donne que grâce à tout le travail qu’il accomplit dans les champs.
Bref les scènes de vie quotidiennes se succèdent et je pourrai vous en parler pendant des heures, mais je pense qu’on va arrêter là.
Plus tard j’arrive au Rocher d’Or. Il s’agit de l’un des principaux lieux de culte du bouddhisme birman.
C’est un énorme rocher d’environ 6m de diamètre, posé en équilibre à 1200m d’altitude. Une toute petite pagode a été construite sur le sommet du rocher, et les pèlerins peuvent recouvrir ce dernier de feuilles d’or qu’ils ont achetées juste à côté.
Selon la légende, le rocher aurait été placé à cet endroit par deux nats (esprits) il y a 2500 ans; il ne tiendrait que par un fil, un des cheveux du Bouddha.
En effet il faut savoir que la plupart des Birmans sont bouddhistes. Mais il y a aussi une très forte croyance dans les « nat », qui sont des esprits vénérés depuis une très haute antiquité, en parallèle avec le bouddhisme. Ils se repartissent entre 37 Grands Nats et tous les autres (divinités des eaux, des arbres, du foyer…). La plupart des 37 Grands Nats sont des êtres humains qui ont connu une mort violente. Un peu comme les Saints du christianisme, les nats peuvent obtenir cet état pour diverses raisons.
Ce qui est surtout intéressant à voir c’est l’atmosphère de dévotion qui règne dans ce lieu de culte.
Les fidèles se pressent à la queue leu leu pour toucher le rocher sacré et y coller les feuilles d’or (à savoir que les femmes n’ont pas le droit de s’approcher et de toucher le rocher, j’ai fait des recherches sur google pour trouver la raison mais je n’ai pas trouvé, si vous connaissez la réponse merci de la mettre en commentaire!), ils entonnent des chants sacrés, ils allument de l’encens, ils font des offrandes au Bouddha, ils allument des bougies, ils méditent…
L’ambiance qui s’émane de ce site sacré est fascinante. Les pèlerins viennent ici en famille, et ils restent même plusieurs jours! Du coup il y a d’immenses campements fait de tapis et de couvertures multicolores qui jalonnent le sol sacré. Ils viennent avec leur provisions et restent sous leur abris de fortune des jours durant.
Video des turbulences du train.
Campement de pèlerins au Rocher d’Or.
Mon curry au poulet et moi dans le train.
Les pèlerins qui prient et qui collent des feuilles d’or sur le Rocher.
Marchande ambulante dans le train.
Intérieur d’une pagode.
Rizière depuis le train.
En Birmanie un des transports en commun les moins chers c’est l’arrière d’une camionnette.
Porteuse au Rocher d’Or…
Pèlerins au Rocher d’Or.
En Birmanie les enfants saluent le train quand il passe.
Curry au poulet.
Dans une pagode.